
pièces détachées (d'une charrue)

Age, oreille, semelle… Mohammed El Amraoui démonte patiemment la charrue qui fouille les traces improvisées d’une langue maternelle à l’autre. « comme un étranger dans sa propre langue » (Deleuze). Sillonnant son bilinguisme, l’auteur sème ses étonnements phonétiques et récolte des textes sonores, poétiques ou philosophiques. À l’écoute des sons et du sens, il s’agit de savoir douter pour s’émerveiller. L'éditeur
Le titre : Pièces détachées de la charrue se réfère à un fragment du long texte « L’apprentissage de la poésie dans une langue étrangère » :
La poésie est dans et hors le temps et hors d'âge.
La poésie est age. L'age (sans accent circonflexe) est une longue pièce horizontale à laquelle s'ajustent le soc et toutes les autres pièces de la charrue. La poésie est faite de pièces détachées de charrue
Le mot labeur y est attaché ; y est attaché pour rien quelquefois...
Long texte où ne cesse, sur un ton ironique, de se définir, et se redéfinir, la poésie, sans vraiment y arriver.
Les questions du mot, son sens (« Mot/mort »), sa forme graphique et sonore (« L’apprentissage des nasales »), l’image d’où il vient ou celle qu’il provoque ou réveille (« Photos perdues », « Métaphysique du sépia »), celles de la mémoire de la langue et ses trous (« Erratum »), ce qu’il désigne et ce qu’on croit désigner (« Philosophie du langage »), son rapport avec le réel qui le reçoit (« Fragilité du poème »), avec le politique (« Ex. », sont des questions centrales : des mots, étranges dans la bouche, étrangers à eux-mêmes parfois (la poésie, si on peut reprendre Proust sur la littérature, Dans Contre Sainte-Beuve, est écrite dans une sorte de langue étrangère et où tous les contresens sont beaux).
Écrire, c’est certes l’acte de labourer une terre inconnue, c’est aussi le travail du lien entre des pièces détachées, mais c’est aussi un acte de confinement (« Confiner »). On se confine pour écrire, pour mieux cerner, ou du moins essayer de cerner, notre rapport avec le dehors, avec le monde. Ce n’est pas pour moi un texte circonstanciel ; je voulais ici poser une question majeure que partage le poète et le philosophe depuis toujours : le moi se trouve une identité étrangère à elle-même, une bulle qui sort d’elle-même pour interroger son identité ou une illusion à déconstruire. Il se trouve confiné dans un espace qui se réduit de plus en plus alors que le temps de ce rétrécissement s’allonge ; ce qui permet de s’interroger sur son lien avec le dehors quand le dehors n’existe plus ou autrement.
Note :
Le texte « Philosophie du langage» fait allusion de manière loufoque au débat des philosophes et des scientifiques à propos du rapport entre mot, croyance et vérité. En même temps que le texte est dit, une autre voix basse cite les noms des principaux noms des philosophes, scientifiques et linguistes orientaux et occidentaux qui ont enrichi ce débat. Leurs citations et leurs pensées sont infiltrées de manière détournée dans le texte.
Il s’agit ici de la fameuse théière de Bertrand Russel, logicien, linguiste, mathématicien et philosophe britannique (1872-1970) : il suppose qu’une théière tourne en orbite autour du soleil entre la terre et mars ; y croire sous prétexte qu’il n’est pas possible de prouver sa non-existence est insensé, pour Russel. Est-ce à moi de prouver son existence ou à celui qui la réfute de prouver son inexistence ? A cette hypothèse de Russel, d’autres questions et réflexions viennent se rajouter comme le célèbre Rasoir d’Okham (les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité) ou le canon de Morgan (on ne doit pas appliquer à un animal par exemple notre comportement…)
On trouvera incrustées des énoncés de Wittgenstein, le débat entre Al-Ghazali et Averroès (l’un a écrit L’incohérence des philosophes et l’autre a répondu par un autre livre qui a fait date : L’incohérence de l’incohérence).
Platon
Aristote
Al-Kindî
Al-Fârâbî
Avicenne
Averroès
Thomas d’Aquin
Descartes
Meslier
Condillac
Ockham
Ernst Mach
Lloyd Morgan
Laplace
Marx
Russell
Wittgenstein
Einstein
Socrate
Empédocle
Platon
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Thomas d’Aquin
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Schrödinger
Merleau-Ponty
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Wittgenstein
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Philosophie du langage
Ce matin,
j’ai vu ma théière se décoller de la table
et commencer à s’envoler
puis tourner en orbite elliptique
autour du soleil
entre Terre et Mars
elle rapetissait
jusqu’à disparaître
jusqu’au point où je ne savais plus
si elle était réellement sur la table
ou si j’hallucinais en pensant qu’elle
était
sur la table et qu’elle a disparu loin
voilée par le soleil
Mais si je disais cela à ma femme
elle ne pourrait pas me croire
vu qu’elle ne croit que ce qu’elle voit
et que c’est à moi de prouver sa
disparition
et non à elle de me donner des raisons
pour réfuter mon récit
et que ce qui est affirmé sans preuve
peut être nié sans preuve après tout
et que ma croyance fausse ne relève pas de l’erreur mais du dérangement mental
Et elle continuerait avec une tirade
sur voir et croire
sur le vrai et le vraisemblable et le faux
et le correct et l’incorrect et l’impossible
et l’absurde et l’illogique et l’incohérent et
l’incohérence de l’incohérent et l’allégorique
et le réel et l’imaginaire et l’existant et l’inexistant
et le simple et le compliqué et le sophistiqué
et le constant et le variable et
la foi et la mauvaise foi et l’erreur
et le mensonge et l’illusion
et la rigueur et l’imposture
jusqu’à
jusqu’à
jusqu’à l’épuisement
de mes neurones
J’ai quitté la cuisine
car il faut quitter quelquefois
les lieux de l’incertitude
Je suis rentré dans la salle de bains
et j’ai vu aussi les lames de mon rasoir
se multiplier
déraisonnablement,
en entités et en quantité
déraisonnable,
par-delà ce qui était nécessaire
De peur de sombrer dans la folie
je suis retourné vite dans la cuisine
tout en disant à voix haute,
Pourquoi franchement avoir toutes ces lames
alors que j’en n’ai pas besoin franchement tout
de suite
Et tout en disant cela
je regardais le chat accroupi
sur la chaise
m’affirmant avec sa tête ce que je disais
Pas une seule fois
pas deux fois
mais sur toute la longueur de ma phrase
dès le premier mot
comme s’il lisait dans ma pensée
et anticipait sur les mots que je prononçais
l’un après l’autre
avec une articulation qui suivait
le rythme lent de ma pensée interrogative
Je répétais cela avec le même rythme lent :
Pourquoi franchement avoir tout cela
alors que je n’en ai pas besoin franchement tout de suite
Et je voyais encore le chat simultanément
remuer sa tête
de haut en bas et de bas en haut
Mais
si je disais ça à ma femme
elle dirait que
je ne devrais pas appliquer sur le chat
des intentions qu’on ne donnerait
qu’à un humain
car
le dandinement de la tête du chat
est une pure coïncidence
et que cet anthropomorphisme
pourrait me conduire
vers des conduites dangereuses
car
imagine que le chat
la prochaine fois
par pur hasard
dise non avec la tête
tu pourrais être en colère contre lui
jusqu’à le jeter par la fenêtre
pour le voir voler en orbite elliptique
autour du soleil
et cela sans pouvoir interpréter son miaulement
comme une expression de douleur
purement animale
et que, d’ailleurs,
parmi même les humains
il y en a qui ne savent pas dire oui
avec la tête, ou que leur tête
en faisant le mouvement
de bas en haut
et de bas en haut
ne signifie nullement une affirmation quelconque
ou ne signifie rien
et que d’autres encore ne bougent jamais la tête
de haut en bas et de bas en haut
et que s’il leur arrive de le faire
comme c’est le cas du chat
cela ne signifie rien
puisqu’un signe qui n’est pas un usage
n’est pas une signification
En pensant à cela encore,
mes idées se trouvaient en tel désarroi
que je me suis levé brusquement de la chaise
ce qui a poussé le chat à sauter brusquement aussi
de la chaise vers le buffet
et j’ai vu la théière basculer
et finir en morceaux inégaux
sur le sol
La théière n’était pas sur la table comme je le pensais
mais
sur le buffet
à moins qu’elle ait fait l’aller-retour rapidement
du soleil jusqu’au buffet
sans que je m’en aperçoive
Elle était en tout cas là
réduite à des fragments détachés
Je pourrais les coller à la colle UHU, me disais-je, mais
je sais qu’elle ne serait plus la même
qu’elle ne serait
que la somme de ses parties
à moins encore que je la peigne
avec des couleurs chaudes
pour voir émerger une nouvelle entité
irréductible aux fragments qui la composent
et pour voir ma femme,
devant cette nouvelle émergence,
s’émerveiller
et dire : C’était une très bonne idée
ça fait un déchet de moins !
puis me dévisageant avec un sourire narquois :
Tu devrais te raser un peu,
Tu auras les idées plus claires
Je continuais à regarder les tessons
par terre
et les rayons de soleil autour desquels tournoyait
silencieusement un insecte
dans un mouvement elliptique
de haut en bas et de bas en haut
Le chat était revenu sur la chaise
Il dandinait sa tête inlassablement de haut en bas
et de bas en haut en suivant l’insecte
je regardais
tout cela
en prenant garde soigneusement
de ne recevoir en ma croyance
aucune fausseté
et préparais mon esprit à toutes les ruses[i]
du réel
[i] Plusieurs citations de philosophes et scientifiques sont incluses dans ce poème Bertrand Russel (« Y a-t-il un Dieu ? » Texte commandé - mais non publié - par Illustrated Magazine en 1952, https://www.cfpf.org.uk/articles/religion/br/br_god.html) ; Ludwig Wittgenstein, (De la certitude, trad. par de Jacques Fauve, éd. Gallimard, fragments 61, 66, 72, 73) ; Averroès (l’Incohérence de l’incohérence تهافت التهافت) ; Saint Thomas d'Aquin, (Ce qui peut être accompli par des principes en petit nombre ne se fait pas par des principes plus nombreux." Summa Theologiae, Prima Pars, Q.2 art.3) ; Guillaume d'Ockham ("Une pluralité de notions ne doit pas être posée sans nécessité." Quaestiones et decisiones in quatuor libros Sententiarum cum centilogio theologico, livre II – 1319 -Rasoir d’Ockham) ; Isaac Newton (« Nous ne devons admettre comme causes des choses de la nature au-delà de ce qui est à la fois vrai et suffisant à en expliquer l'apparence.") ; Condillac (Essai sur l’origine des connaissances humaines) ; Ernst Mach ("Les savants doivent utiliser les concepts les plus simples pour parvenir à leurs résultats et exclure tout ce qui ne peut être perçu par les sens.") ; Le canon de Morgan (« Nous ne devons en aucun cas interpréter une action animale comme relevant de l'exercice de facultés de haut niveau, si celle-ci peut être interprétée comme relevant de l'exercice de facultés de niveau inférieur.», An Introduction to Comparative Psychology, Londres, W. Scott, 1903, 2e éd., p. 59) ; René Descartes, (Discours de la méthode) ; Michel Foucault, Les mots et les choses, éd . Gallimard, 1966…
